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Photo du rédacteurFanny Bellemare-Martin

« Pourquoi ne suis-je pas partie ? » Les effets pervers de la manipulation et de la violence verbale

La violence verbale se fait entendre !


« T’es-tu regardé dans l’miroir ? T’as l’air d’une crisse de grosse vache. Tu devrais avoir honte de sortir de même »… Ce sont les dernières paroles qu’il m’a dites avant que je parte, de peur qu’il me frappe…


Pourtant, ça m’a pris 6 mois pour sortir complètement de cette relation. Il s’est finalement lassé de me relancer, car il avait rencontré quelqu’un d’autre sur qui jeter son dévolu.


C’était il y a 10 ans et je m’en souviens comme si c’était hier.

Comme l’a dit si bien la comédienne Marie-Thérèse Fortin (qui campe une psychologue dans la mini-série « Le Monstre » basée sur le récit d’Ingrid Falaise), « toutes les histoires de violence conjugale commence par une histoire d’amour. »

J’ai toujours cherché à avoir de l’attention. Autant celle de mes parents que de mon entourage. J’improvisais des spectacles en tout genre à la maison. Je voulais que les gens me regardent, m’entendent. Jeune adulte, je voulais briller et être aimée… à tout prix.


A l’été 2006, des échecs amoureux, des revers professionnels additionnés à une faible estime de moi et l’impression d’être beige et inintéressante aux yeux des autres m’ont rendu vulnérable auprès des prédateurs. J’étais à ce moment-là sur la pente de la dépression. Bref, une proie idéale pour un manipulateur.

Selon la thérapeute comportementale Isabelle Nazare-Aga (auteure du livre « les manipulateurs et l’amour ») :

  • Les « victimes » des manipulateurs manquent singulièrement d’amour de soi et s’attendent inconsciemment à ce que le partenaire comble cette faille, ce vide.


C’était pleinement mon cas ! J’avais de la valeur seulement à travers le regard des autres. Alors, quand monsieur X (le mâle alpha par excellence, musclé et à la dégaine d’un acteur d’Hollywood) est venu à ma rencontre, j’ai littéralement fondu sur place. Comment un homme de sa trempe pouvait s’intéresser à une femme beige comme moi ?


Peu de temps après notre première rencontre, je lui ai présenté mes amies les plus proches. Elles m’ont dit spontanément de me méfier de lui. Il avait quelque chose de malsain dans son regard. Moi, je ne voyais rien d’autre que mon prince charmant. Il était beau, avait un emploi des plus recommandables et surtout, il me traitait comme une princesse. Il me donnait l’attention dont j’avais besoin et me donnait l’impression à la fois que tout était possible et qu’il allait me protéger contre vents et marées. Avec lui, rien de méchant ne pouvait m’arriver.

Je vous cite ici un extrait du livre de la psychothérapeute Christel Petitcollin :

  • « Il (le manipulateur) dispose souvent d’une couverture sociale, par exemple une profession honorable qui inspire le respect et qui évoque devoir, altruisme et éthique. Pourtant, derrière son apparence sympathique, le manipulateur génère un malaise. Il ne séduit pas, il charme… Lorsqu’on vient à penser que c’est trop beau pour être vrai, c’est bien souvent vrai que c’est trop beau pour être vrai ! L’hyper contrôle qu’il a de son image et cette absence totale de maladresse devrait mettre la puce à l’oreille. »

C’était tellement ça! Mais je ne voyais rien. J’étais totalement subjuguée. Jusqu’au jour où lors d’une sortie dans un bar, il m’a dit avoir honte de moi. Honte de mon allure vestimentaire. Les autres femmes étaient tellement plus belles et sexy que moi. Ce fut un premier coup dans les dents !

Comme je me trouvais très ordinaire, il avait sûrement raison ! Alors, au lieu de m’affirmer telle que je suis, j’ai tenté de changer mon apparence et j’ai troqué vêtements et chaussures confortables pour des jeans serrés et des talons hauts.

J’ai remarqué avec le temps que manipulation et violence verbale allaient souvent ensemble. En plus de m’isoler de mes amies et de ma famille, monsieur X a eu des phrases très violentes à mon sujet : « tu es ma pire baise à vie », « tu ne sais rien faire de bon » « tabarnak, tu n’as jamais appris à repasser » (alors que j’avais oublié un pli sur sa chemise), « câlice, avec quoi je vais manger ma soupe si je n’ai pas de cuillère » ?

Toujours selon la psychothérapeute Christel Petitcollin, le manipulateur sait parfaitement cerner nos craintes rationnelles ou irrationnelles et s’en servir.

Monsieur X savait très bien qu’en me réprimandant j’allais tenter de faire mieux la prochaine fois par crainte qu’il me quitte. J’avais tant besoin de son attention et de me prouver que je valais la peine d’être aimée. Je viens d’une bonne famille et j’ai été bien élevée, avec de bonnes manières. Je suis instruite. Je pouvais être la femme parfaite qu’il désirait.

En même temps, en me faisant sentir incompétente, il nourrissait ma faible estime de moi-même et cela devenait un cercle vicieux.

Durant les années qu’a duré notre relation, j’ai vécu des vacances d’enfer alors que dès le premier jour, il me faisait sentir minable car je ne voulais pas me baigner nue dans la mer et que j’avais peur de me baigner dans le noir. J’ai tellement pleuré ! Et le pire, j’étais prise au piège, car je ne pouvais pas revenir.

Souvent, après une violente dispute, il revenait vers moi avec des excuses larmoyantes, m’apportait des fleurs, me disait que j’étais la plus belle et la meilleure des blondes… Et le cercle infernal recommençait.

Pourquoi je ne suis pas partie ? Au début parce que je pensais réellement qu’il avait raison et parce qu’entre les disputes et les paroles de violence verbale, je découvrais un autre monde où le plaisir était au rendez-vous, les sorties à tous les week-ends, les balades en décapotable et les repas bien arrosés. Je vivais des bulles de bonheur entre chaque orage et je me disais que c’était ça la vie de couple.

Puis vint un temps où ma petite voix intérieure m’a dit que je n’étais pas aussi épouvantable que le portrait qu’il faisait de moi et j’ai voulu le convaincre que j’étais une belle et bonne personne.

Quel temps perdu. Un manipulateur n’a jamais tort ! Je me suis épuisée à rester avec lui en espérant le convaincre que j’avais toutes les qualités requises pour être une bonne « blonde », jusqu’au jour où je me suis retrouvée en petite boule dans mon bain à pleurer toutes les larmes de mon corps. Ce jour-là, je me suis parlée et j’ai dit « C’EST ASSEZ ! »

Ça m’a quand même pris 6 mois à me défaire de son emprise. Tout en espaçant nos rencontres, je demeurais vigilante et gentille par peur des représailles et aussi parce que j’avais de la peine. Je l’avais aimé cet homme-là ! Je devais donc gérer à la fois la peur et la peine d’amour.

Selon un article de la Clinique Psychologie Québec paru en mars 2018, la violence conjugale la plus répandue serait de nature psychologique et toucherait près de 12% des gens ayant été en couple. Si c’est votre cas, demandez de l’aide. Vous pouvez téléphoner à SOS Violence Conjugale au 1-800-363-9010 ou sur internet le www.sosviolenceconjugale.ca

Pour ma part, j’ai eu la chance d’être soutenue par une extraordinaire psychologue, mon médecin, les quelques amies qui me restait (car plusieurs ont quitté le navire qui sombrait) et mes parents.

Aujourd’hui, j’ai envie de vous dire d’être fière de vous si vous vous en sortez ou que vous êtes dans une démarche pour sortir de la violence verbale. Laissez derrière vous la honte et la culpabilité de vous être investie dans une relation malsaine. Au contraire, soyez fières d’être qui vous êtes et regardez en avant, la tête haute !

Les années ont passé et j’ai rencontré un homme aimant, respectueux et honnête. Avec lui, je suis totalement moi-même et je vis une relation saine. Alors oui, c’est possible d’être heureux en couple et ne plus avoir de violence verbale !

Références :

  • « Les manipulateurs et l’amour » de Isabelle Nazare-Aga, aux éditions de l’Homme

  • « Échapper aux manipulateurs » de Christel Petitcollin, aux éditions Guy Trédaniel

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